Et si nos grands parents paysans étaient les précurseur.es de la démarche low-tech ?
La Barberie, Saint-lô, 50 : La ferme d’un particulier

C'est une question que je me permets d'exposer après avoir eu la chance de passer une semaine à La Barberie, une eco-ferme située à Saint-Lô, que l'on pourrait résumer en un mot : transmission.
Ce n'est pas une association, ce n'est pas un collectif, pas un tiers lieu, et pas une entreprise non plus. Il s'agit d'un ancien corps de ferme qui, selon Philippe le propriétaire des lieux, est aujourd'hui une prolongation de l'activité familiale telle que ses parents l'avaient en partie conçue. ( Et ça, je ne sais pas vous, mais c'est le genre de phrases qui ont tendance à attiser ma curiosité ! )
Phase 1 : Accrochez vous, ça va envoyer !
La ferme comporte une grande variété de terrains et de dépendances qui permettent diverses activités. Un grand jardin pensé selon une philosophie de permaculture en est le carrefour, à la fois géographiquement mais aussi en terme de savoirs et de connaissances transmises. Car comme je le disais, Philippe a pensé cette ferme de manière ouverte pour transmettre les savoirs paysans de sa famille ainsi que tous ceux qu'il a pu accumuler. Il accueille donc depuis les années 90 des bénévoles en wwoofing pour leur apprendre:
- l'agroécologie, l'usage d'outils anciens comme la faux, l'utilisation de toilettes sèches au quotidien, cuisiner de manière locale, bio, et saine pour soi et son territoire, le travail du bois, ect...
Phase 2 : On continue sur notre lancée !
Il y a près de 10 ans maintenant, un de ces bénévoles, Thibault, a décidé de lancer son activité de maraichage bio après avoir expérimenté cette nouvelle façon de vivre chez Philipe. Ce dernier va alors lui louer un terrain agricole, situé à seulement 100 m du jardin carrefour dont je parlais juste avant. C’est une réelle opportunité quant on sait la difficulté d'accéder à du foncier lorsque non issu du monde agricole.
Phase 3 : La boucle vertueuse n'est toujours pas terminée !!
En effet, cette activité professionnelle nommée "La Brouette Bleue" expérimente elle aussi une vie plus soutenable grâce à de nombreux systèmes low-tech auto-construits :
- Une éolienne PIGGOTT, un poêle rocket, un prototype de four à pain solaire ou encore un triporteur à pédale électrique pour ramasser les légumes.
Toutes ces nouvelles façons de faire viennent alimenter les apprentissages et les savoirs regroupés et transmis sur le lieu étendu de la ferme.
Phase 4 : C'est toujours pas fini !
Une fois récoltés, les légumes sont vendus dans un marché sur place. C'est avec ces mêmes légumes que Françoise , traiteur indépendante, s'approvisionne et vend ses préparations au marché. Elle est également gérante d'une auberge qui est elle aussi située sur la ferme.
Phase 5 : Encore ?
On retrouve aussi à La Barberie des espaces mis en location pour encore une fois transmettre et s'essayer à un "faire autrement", comme un atelier bois pour des menuisiers voulant lancer une activité, ou encore une micro-maison pour venir habiter à la ferme.
Phase 6, 7, 8, ... c'est sans fin ...
Vous l'aurez compris, cette ferme est une vraie poupée russe, un "couteau suisse-normand", une boîte à outils de la transmission ! Si on retrace le chemin que l'on vient de parcourir ensemble ( décrit en détail dans le schéma ci-dessous ), on se rend compte que tout a été pensé pour apporter le plus possible au territoire, du bénévolat permettant de transmettre des savoirs sur la paysannerie aux légumes bio vendus sur place ( permettant de diminuer les coûts et donc le prix pour les consommateurs) jusqu'à l'offre d'accueil de séminaires d'entreprises grâce à l'auberge.
La Barberie propose des exemples concrets prouvant qu'il est possible de faire autrement, en s'inspirant en partie d'un "faire comme avant", projeté dans l'avenir d'un faire mieux pour demain. C'est un lieu qui est en perpétuelle évolution et qui s'applique toujours à laisser le plus d'opportunités, de choix et de décisions pour les personnes qui vivrons sur la ferme dans les prochaines années. Cela implique d'être certains qu'une décision prise aujourd'hui n'aura pas d'impact irréversible. C'est donc penser des choses réparables pour que le matériel acheté ou construit aujourd'hui puisse garder de la valeur pour la prochaine génération. C'est aussi penser léger et démontable pour une serre ou une micro maison qui serait amenée à ne plus trouver son utilité demain. Tous ces principes sont inhérents à la démarche low-tech mais ils étaient surtout le socle de la vie des familles paysannes des générations passées. "Nous n'étions pas assez riche pour acheter pas cher" nous murmure la mémoire de nos grands parents...
Derrière le terme "low-tech", on peut donc y voir une sorte de continuité des savoirs faire propres à nos territoires, agrémentés d'une ingéniosité de notre temps. Ce n'est pas un retour en arrière, au contraire ! C'est une inspiration pour nos vies actuelles d'un temps où les gens faisaient déjà beaucoup avec très peu. Tout n'est pas bon à prendre évidement, mais c'est justement l'art du discernement que nous devons travailler, que cela soit vis à vis des systèmes du passés tout comme pour ceux du "futur" de la Silicon Valley. ( Au passage, désolé Elon, tu n'as pas du forcément tout comprendre de ce qu'il vient de se passer ici à la ferme, sans rancunes ? ).
La force de La Barberie, c'est de montrer sans prétention et faire adhérer par l'action à la pertinence de la démarche low-tech, qu'ils ne nomment pas forcément mais qu'ils incarnent tout entièrement par un "bon sens paysans" dont ils héritent. La Barberie, c'est enfin montrer qu'un particulier peut avoir un fort impact positif sur son territoire.
Et ça ?
Eh bien ça fait du bien au moral, tout simplement ! =-)
C'était la conclusion, pleine d'enthousiasme ! Que la force de la paysannerie soit avec vous.