La ressourcerie du cinéma

La ressourcerie du cinéma

Dès l'ouverture de la porte de la ressourcerie du cinéma de Paris, je suis envoûtée par l’ambiance artistique et féérique des décors de cinéma. Le cinéma, c'est une industrie très polluante et le décor c'est ¼ de l'empreinte carbone de la production d'un film construit. On évalue à peu près à 15 tonnes la production de déchets pour concevoir le décor d’un film construit. Il y a donc un réel enjeu de réemploi dans le domaine de la création de décor. La ressourcerie du cinéma a été créée en 2021 et est une association avec maintenant une équipe de 7 salariés qui relève, chaque jour et à chaque étape de sa construction et de son développement, de nombreux défis ! L'équipe est composée de Karine, directrice ; Isabel, chargée du référencement et de stagiaires : Yves, responsable administratif et financier et informaticien de métier ; Tristan et Anne, chargés de l'accueil client, de la communication, des devis et du démarchage commercial ; Albert, chef d’atelier qui assure le rangement et le stockage des éléments et Ramla, valoriste et qui assurera à l'avenir les livraisons.

La ressourcerie du cinéma récupère des décors et permet ensuite la vente ou la location de ceux- ci pour d'autres projets. Entre-temps, évidemment il y a toute une équipe derrière ! La ressourcerie travaille avec le cinéma, mais également l'ensemble du secteur de l’audiovisuel (pub, youtube, clips, séries, téléfilms), les escape games et le théâtre. Ce que j'ai aimé à la ressourcerie c'est cette capacité à s'adapter à chaque secteur, qui ont chacun des besoins et des budgets très différents, et d'essayer de le trouver les décors et des solutions adaptées. Les pompiers de Paris sont même venus pour créer le décor de la fête de Sainte Barbe de leur caserne!

La ressourcerie est une association à but non lucratif qui cherche l'équilibre économique, et ce n'est pas si évident. Il faut aussi, outre le réemploi, une connaissance du domaine du cinéma. En effet, Isabel, ancienne chargée de production, me parle de l'importance de l'accompagnement des équipes à cheminer sur l'empreinte écologique de la production de décor. Répondre aux questionnements, comme par exemple, l'idée reçue que la ressourcerie récupère les décors, les remet en location et se fait de l'argent facilement. Alors que, le schéma est plus complexe.

Le circuit pour recevoir un don commence par un contact reçu par la ressourcerie de la part des productions et des équipes de tournage. Lors d'une discussion entre ces deux partis, une sélection des éléments et matériaux qui pourraient être récupérés par la ressourcerie du cinéma est faite. Elle est faite principalement en se demandant si c'est un élément qui va pouvoir être réutilisé et si l'on a un espace de stockage adéquat. Un échange de photos a lieu et un accord est fait pour valider le don. Soit l'équipe du tournage dépose le don sur place, soit la ressourcerie se charge du transport depuis le studio. Ensuite, l'objet arrive à la ressourcerie, est pris en photo, mesuré, référencé sur le logiciel et mis en ligne sur le catalogue. Il va ensuite être porté jusqu'à son lieu de stockage dans l'entrepôt. La ressourcerie du cinéma manque d'espace, le loyer est cher en région parisienne et se pose toujours la question du bénéfice financier et du taux de réemploi d'un élément par rapport au coût de stockage de celui- ci.

Une fois un élément catalogué, il est mis en location ou en vente. Des clients (principalement les chefs décorateurs et leurs assistants ; chefs constructeurs et leurs assistants et les ensembliers) viennent à la ressourcerie pour se fournir.

Anne, chargé de l'accueil client, me confie adorer lorsqu'un client arrive avec une idée du décor qu'il veut mettre en place, entrer dans son imaginaire et essayer de l'aider à trouver les éléments qui correspondent à ses envies. On a aussi beaucoup discuté de cet accompagnement et on a fait émerger le concept de “design inversé”. L'idée est d'imaginer approximativement un décor, observer et s'adapter aux matériaux présents pour arriver et construire son décor plutôt que d'imaginer précisément un décor et de chercher exactement à reproduire son imaginaire avec des matériaux précis. C'est un défi à venir. Changer sa façon de créer, d'imaginer et de concevoir l'art.

Une fois que le client a trouvé les éléments du décor qu'il souhaitait louer, Tristan réalise avec eux le devis et prévoit une date de retrait ou de livraison. Le jour J, Ramla et Albert préparent la commande et aident les clients à charger.

Le modèle économique de la ressourcerie du cinéma repose sur la location d'éléments mais aussi la vente de matériaux. En effet, lorsqu'ils pensent qu’un élément/matériau ne va pas être utile pour le cinéma, ils le mettent en vente par exemple dans le domaine de l'événementiel. Outre un bénéfice économique, cela donne une réelle seconde vie aux matériaux.

Parfois, les équipes de la ressourcerie sont confrontées à des peurs, soupçonnées de prendre le travail des équipes de tournage, mais après tout, quoi qu'on le veuille, le monde va changer, les ressources vont manquer, les façons de travailler doivent évoluer, alors, pour que la culture puisse continuer à exister, essayons de faire les choses autrement et ensemble 🌳🤎

Après le journal BRUT, les Césars prévoient de faire un reportage sur la ressourcerie du cinéma de Paris et ça c'est vraiment chouette !

Merci à toute l'équipe pour votre accueil !

Maëlle

Avec le soutien financier de

ADEME