Récit d’une journée de boulange à Grangeneuve

8h15. Avec Sylvia, de passage à Longo en même temps que moi, nous marchons d’un pas rapide en direction d'Hyppolite, l’un des hameaux de Longo Maï. L’air est frais, nos yeux sont à peine ouverts, mais l’idée de faire du pain nous motive. En arrivant, Christine et Pierre sont déjà là, affairés à allumer le poêle. Priorité n°1 : réchauffer la pièce et nos corps engourdis.

Quelques explications et c’est parti : peser, mesurer, incorporer chaque ingrédient avec soin. Pas de grande alchimie ici, juste de l’eau, de la farine, du sel et du levain… et un peu d’huile de coude, bien-sûr. L’objectif du jour (et à vrai dire celui de toutes les semaines) : fabriquer suffisamment de pain pour nourrir les 90 habitants de Longo Maï. Autant dire qu’on ne lésine pas sur les quantités !

Ah, le levain... une créature vivante et pétillante qui bouillonne dans son énorme bassine !

Chacun sa mission : Sylvia s’occupe du sarrasin, Christine du blé et moi du seigle. La pâte au blé - en plus grande quantité - se fait au pétrin, tandis que pour le sarrasin et le seigle, c’est à la main. Et quelle aventure ! Une main qui pétrit dans un seau immense, l’autre qui tente – tant bien que mal – de verser la farine. Le tout dans une danse désordonnée et collante. Impossible de dire combien de kilos on a malaxés, mais une chose est sûre : la pâte montait jusqu’à mon coude. L’objectif de prendre des photos de cette journée a vite été compromis. Mon téléphone a été relégué à une distance de sécurité, loin de mes mains enfarinées.

D'abord la grande tambouille ! Puis la patouille, la pâte c'est une affaire de fripouilles !

Vers 9h30, on pétrit toujours avec enthousiasme (ou acharnement). Pierre quant à lui commence à allumer le four à bois. Une affaire de patience et de vigilance… et aussi un peu de chance. Lorsqu’on a enfin fini, on prend une pause petit-déjeuner bien méritée. Pendant qu’on se régale, Pierre veille sur le feu, et quand on revient, le four crépite à merveille. 

Le maître du feu a réussi sa mission... Les flammes montent et les crépitements retentissent !

Après quelques minutes à admirer les flammes comme des hypnotisés, on reprend du service. Léna nous a rejoints, elle va nous aider pour la suite. Et comme le dit le dicton : “Plus on est de fous, plus on rit !” On se met à huiler des moules à pain. Pour la petite anecdote, ils ont été récupérés il y a des années, en provenance directe de l’armée suisse. Comme quoi, ces moules ont peut-être connu l’armée, mais ils ne sont pas prêts à rendre les armes !

A vos pinceaux ! Prêts à repartir pour une nouvelle mission au service de la communauté Longomaïenne !

Aujourd’hui, la pièce n’est pas très chaude malgré le poêle, alors la pâte prend son temps pour lever. On la rapproche un peu du feu, en espérant qu’elle monte un peu. En attendant, on façonne les premiers pâtons. Peser, modeler, remplir les moules. Peu à peu, le geste devient plus assuré. Quand tous les moules sont remplis, on passe à l’étape suivante : façonner les boules. Là, le coup de main change un peu. On façonne chaque pâton deux fois pour des boules encore plus belles. Une fois prêtes, on les place dans des petits paniers en osier.

"Le façonnage, tout un art : observation, action, répétition… le trio magique pour un pain au top !"

Vers 13h, on se met à cuisiner pour le déjeuner. Ce sera pizzas au feu de bois. Après avoir mangé, à 14h30, retour au pain. Les dernières boules à façonner n’attendent que nous. En parallèle, le feu est capricieux. S’ensuit une session intense de réanimation du foyer, pilotée par Christine. Pendant ce temps, avec les filles, on attaque un bon nettoyage.  

Chez nous, les (méga)bassines servent à faire du pain… et elles finissent toujours propres et prêtes pour la prochaine fournée !

Vers 15h30, le four est bien chaud, comme il faut. Il est temps de retirer les braises pour pouvoir enfourner nos précieux pains. Christine commence. Puis Bruno arrive, pile au bon moment, et prend la relève. À 15h45, c’est le grand moment : on enfourne. Christine manie la pelle à pain, Sylvia renverse les pâtons dessus, Léna les entaille et moi, je filme l’opération (histoire d’avoir des preuves de notre talent). Tout doit s’enchaîner rapidement : enfourner, refermer vite pour conserver la chaleur. En moins de vingt minutes, plus de 100 kg de pains sont mis dans le four. 

A vos frontales, mission grotte souterraine enfournage commencée !

Une fois la porte refermée, il reste encore une étape étonnante. On applique un mélange de cendre et d’eau sur les portes du four pour combler les trous et garder la chaleur. Comme le dit si bien Christine : « Être boulanger, c’est faire plein de métiers à la fois. ». On ne peut qu’approuver.

Bruno notre bâtisseur hors pair fait l’isolation thermique du four !

Il est 16h15 c’est l’heure de goûter ou de papoter, pendant que les pains cuisent au chaud. Puis, près d’une heure plus tard, on les sort du four. Ils sont tous beaux tout chauds ! Vient une dernière étape de ménage, la troisième ou quatrième de la journée, on ne compte plus. Et voilà, il est bientôt 18h. L’heure de se reposer un peu avant le dîner et la dégustation de nos pains fraîchement sortis du four.

Myriade de petits pains au seigle croustillants et appétissants sortis par Léna.
Et voilà le travail ! On a presque du mal à imaginer qu’on a pu en faire autant !

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