Une nouvelle étape
Après une journée à explorer les rues grenobloises, je monte dans un bus en direction de Briançon. La fatigue de la veille marquée par une longue session de stop et une journée intense de marche, me rattrape rapidement. Je m’endors presque instantanément. À mon réveil, les paysages qui défilent me captivent. Habituée à des horizons plus plats, je découvre avec fascination les reliefs imposants. Déjà en altitude, le bus serpente entre bordures rocheuses, torrents et forêts. Ce 29 octobre, un soleil éclatant domine le ciel. Il fait étonnamment chaud pour l’automne, mais les teintes orangées et ocres qui parsèment çà et là les montagnes rappellent que la saison avance. Au sein de ce paysage, un sommet vient se dessiner à l’horizon. C’est l’Huez, dont la blancheur contraste avec les tons chaleureux des montagnes environnantes. Le spectacle est saisissant. Peu à peu, cependant, le ciel s’assombrit et la nuit enveloppe les montagnes, laissant en moi un léger pincement au coeur à l'idée de quitter ce décor.
18h42, arrêt Chantemerle Crocus. Seule à descendre, je suis aussitôt saisie par la fraîcheur et l’obscurité de la nuit. L’écran bien trop lumineux de mon téléphone m’éblouit tandis que je cherche l’adresse de mon hébergement. Les rues sont désertes, les restaurants fermés, seules deux boutiques semblent ouvertes.
Quelques minutes de marche me mènent à destination. Devant moi, une boutique aux vitrines éclairées. J’ouvre la porte, déclenchant un carillon. Mon regard balaie rapidement la pièce, simple et accueillante. Il n'y a personne. Une femme fait son entrée. Avec un sourire franc, elle lance : « Tu dois être Mathilde ». Je hoche la tête. Aucun doute : c’est Lucía, reconnaissable à son accent espagnol et son énergie débordante, que j’avais eu au téléphone deux jours plus tôt.
Elle me fait signe de la suivre en poussant une porte vitrée. Nous montons un escalier en bois. Au sommet, une porte battante donne sur un atelier de confection. Deux femmes, Colette et Louise, lèvent les yeux de leur travail. Après de brèves présentations, Lucía me guide à nouveau. D’un rapide coup d’œil, j’aperçois pour la première fois l’endroit où je vais passer près de trois semaines. Finalement, nous atteignons un petit escalier en colimaçon menant à une porte voûtée, semblable à l’entrée d’une maison sortie d’un conte.
Derrière cette porte, une vaste salle se dévoile : des murs blancs légèrement texturés, typiques des vieilles maisons, des poutres apparentes et un parquet ancien. L’atmosphère chaleureuse est renforcée par un poêle à bois, dont la chaleur enveloppe l’espace. Dans cette pièce centrale, une dizaine de personnes sont présentes. Après un bonjour rapide, chacun reprend son activité. Lucía m'invite à m'asseoir le long du comptoir et me propose une bière. Nous entamons une conversation sur ma venue, le service civique et les principes de l’économie circulaire.
Bientôt, un appel retentit : le repas est prêt. Une table impressionnante, longue de plus de trois mètres, croule sous les plats, dignes d’un véritable banquet. Chacun prend place, sans ordre défini, et les assiettes commencent à circuler. Les bras se croisent, les conversations s’entrelacent. L'ambiance est particulièrement conviviale. Les discussions révèlent peu à peu l’esprit du lieu. En quelques minutes à peine, ce lieu hors du temps, niché au cœur des montagnes, m’a déjà captivée. Ainsi, me voilà immergée à la filature Longo Mai de Chantemerle.
